par Lisa Harel, directrice du SPN
La première fois que j’ai entendu parler de cluster, c’était en …2003 (outch!) lors de ma formation universitaire en faculté de sciences économiques. Le modèle des districts industriels italiens, les SPL, Michaël PORTER… ces modèles de coopération en faveur du développement des industries m’ont passionnée. Alors quand j’ai eu l’opportunité de rejoindre le SPN, j’ai sauté sur l’occasion !
Le cluster est aujourd’hui un terme générique qui rassemble les pôles de compétitivité et autres réseaux d’acteurs qui animent et participent au développement d’une filière. Vous n’êtes peut-être pas tous des aficionados, mais pour ceux que ça intéresse je recommande les travaux de Michaël Porter et les ressources proposées par France Clusters !
Les clusters sont des réseaux d’entreprises constitués majoritairement de TPEs et PMEs, ancrés localement, et travaillant au sein d’une même filière. Leur objectif est de fédérer les énergies pour accompagner le développement des entreprises par le biais de démarches collectives qui permettent de mutualiser des moyens, des efforts, inaccessibles pour une entreprise seule.
Si les Pôles de compétitivité sont dédiés à l’innovation et au développement de projets R&D collaboratifs, les Grappes d’entreprises et autres Clusters régionaux apportent des services qui portent sur l’ensemble des besoins des membres à travers des actions de mutualisation ou des actions collectives. Ainsi, les actions du cluster peuvent être dédiées à l’emploi et au développement des compétences, à la commercialisation, au développement de nouveaux marchés en France ou à l’international, à l’innovation, au développement durable…
En France, on dénombre une centaine de clusters. Au total, ce sont près de 30 000 entreprises et 800 000 emplois représentés.
Ma première immersion dans l’univers de l’inter cluster, je l’ai faite en 2005, à Lyon lors d’un séminaire organisé par le Club des Districts Industriels Français. Des centaines d’acteurs réunis pour échanger sur leurs projets et leurs métiers. En 2 jours, j’ai pris conscience de l’incroyable force de l’outil Cluster, grâce à des exemples inspirants. Que nous pouvions, avec la motivation de notre noyau d’entrepreneurs moteurs, avoir de belles et grandes ambitions !
J’ai aussi trouvé un réseau d’homologues qui vivaient le même quotidien que moi, et qui revendiquaient le métier d’Animateur de Cluster, d’inter-preneurs… sorte d’ovni entre le monde des entreprises et celui des institutions.
A ceux qui se demandent ce que c’est que de travailler dans un cluster, je réponds que nous sommes des facilitateurs, chargés d’interconnecter, d’identifier les bons maillages autour d’intérêts communs, que nous devons tous développer des capacités d’écoute pour identifier les signaux faibles et savoir piloter les collaborations pour amener les entreprises à travailler ensemble. On parle beaucoup d’innovation collaborative aujourd’hui, je suis persuadée que les équipes de clusters en sont de vrais experts !
Notre job, c’est d’identifier les besoins communs, construire avec les bénéficiaires l’action qui répondra le mieux à leurs enjeux, et les impliquer dans sa réalisation : une véritable démarche user centric. On a beau être hyper compétents, avoir une équipe hors pair, et des idées géniales, si les entreprises ne sont pas présentes, actives, et surtout locomotives, on s’épuise vite pour peu de résultats…
Les entreprises sont au coeur du processus, notamment via la gouvernance : elles définissent la stratégie et sont le garde fou de l’intérêt collectif des actions. La plupart des clusters ont des équipes de salariés, chargées de mobiliser l’intelligence collective et d’être au contact des entreprises, dans une relation de confiance et de proximité. Les équipes mettent en oeuvre les actions et s’assurent du respect des partenariats publics privés, notamment avec les régions et les collectivités territoriales qui souvent co-financent et participent.
Ce système relationnel, qualifié d’écosystème, permet d’augmenter les opportunités d’affaires et de croissance des entreprises et de leurs territoires. Son efficience est en corrélation directe d’une culture de la collaboration et d’une proximité géographique réelle, souvent à l’échelle de quelques départements.
Concrètement les adhérents des clusters trouvent des services adaptés à leurs besoins, de la veille, du partage d’expertises et d’expériences, des mutualisations de moyens ou de ressources… Ils s’inscrivent dans des démarches collectives qu’ils ne pourraient pas mener seuls, ou alors de façon moins évidente. Du développement de partenariats à la création de nouveaux produits à plusieurs, en passant par de l’identification de nouveaux marchés, les outils pour aider les entreprises à grandir, se former, développer leur réseau sont nombreux, mais nécessitent une implication de chacun.
“Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite.” Henry Ford
Au SPN, nous avons coutume de dire que si nous ne sommes “que” 200, c’est parce que notre réseau est composé d’entrepreneur.e.s qui s’impliquent et qui croient aux vertus de la collaboration. Et cela se vérifie, les adhérents qui n’y trouvent pas leur compte sont souvent ceux qui ne prennent pas le temps de rencontrer leurs pairs ou de participer aux groupes de travail. Il faut apprendre à connaître son réseau et ses membres et partager un niveau de confiance suffisant, y compris avec les différents partenaires et l’équipe bien sûr.
Pour cela, l’animation est une brique fondamentale du cluster. Il nous faut développer la base de connaissance des adhérents, les temps d’échanges, les mises en relation, les partages d’expériences, échanger sur la culture de l’entrepreneuriat et sur l’actualité des entreprises afin de créer les bases solides de la collaboration.
En 2020, nous avons décidé de renforcer l’animation. Trop concentrés sur nos actions collectives et la gestion de la croissance du réseau au cours de ces 3 dernières années, nous n’avons pas été suffisamment en lien avec nos adhérents et n’avons pas entendu que leurs besoins avaient changé. Alors nous venons de recruter deux animatrices pour remettre les adhérents au coeur de notre action et adapter nos différents formats en fonction de leurs attentes.
La confiance et l’engagement sont des pré-requis essentiels. Une fois installés, le cluster devient un formidable laboratoire d’expérimentation pour permettre aux entreprises de tester de nouvelles pratiques, de nouveaux marchés, avec une prise de risque mesurée et souvent soutenue financièrement. L’objectif étant d’optimiser le temps du dirigeant et de lui permettre de consacrer du temps qualifié à son développement, « de sortir la tête du guidon ».
Quand on voit l’efficience d’un cluster, on a envie de tester celle de plusieurs clusters réunis ! C’est en tout cas valable pour moi et ce qui m’a amenée très tôt à participer à différents réseaux. Et puis, quand on prône des valeurs d’échanges, de partage, de collaborations, c’est pas mal de se l’appliquer aussi.
En France, l’association France Clusters réunit aujourd’hui 125 Clusters et pôles de compétitivité qui fédèrent au total plus de 80 000 entreprises. Depuis 20 ans, cette association est une base de ressource très qualitative pour former aux métiers de l’Animation les équipes des clusters. Elle nous a également permis depuis 15 ans de rencontrer de nombreux clusters français et européens de tous secteurs d’activités.
C’est au sein de France Clusters que j’ai rencontré mes homologues de clusters numérique et que nous avons créée, en 2010, le réseau de Clusters numériques français : France IT. (Poke Armand LULKA)
Au-delà d’échanger sur nos pratiques et mutualiser nos ingénieries, nous avons souhaité pouvoir mener à l’échelle de nos clusters des actions structurantes, nécessitant une forte représentativité des entreprises et au bénéfice de l’ensemble de nos adhérents.
C’est ainsi qu’est né le Label Entreprise Numérique Responsable (Label ENR) ou encore le Label Cloud. Nous avons à de nombreuses reprises pu échanger avec les instances ministérielles sur les sujets de Transition Numérique, Innovation, French Tech ou encore développement à l’international. Le réseau de clusters permet à chaque adhérent d’être mis en lien avec les écosystèmes numériques de la France entière notamment pour identifier de nouveaux partenaires aux compétences complémentaires.
C’est également par le biais de ces collaborations nationales que la notoriété de nos clusters et des expertises de ses membres et de ses équipes se déploie.
Pour ma part, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de présenter au national les actions exemplaires du cluster. Notamment sur nos démarches internationales, emplois et formations, innovation ou plus récemment sur la création de Cobalt comme lieu d’innovation. Régulièrement on me sollicite pour parler du cluster SPN, auprès de clusters en structuration ou en questionnement sur leur développement.
Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas la première à vouloir monter sur scène, mais quand je le fais, c’est pour servir mes réseaux, autant qu’ils me servent : partager mes expériences, connaissances… À chaque fois j’en retire beaucoup ; des pistes d’amélioration, l’occasion d’être challengée, des nouvelles opportunités, des mises en relations… c’est finalement ça la doctrine d’un cluster, tu en retires autant que tu en apportes.
Un bel exemple de ce give back, c’est lors de la fusion des régions en 2015. Je connaissais de longue date mes homologues d’ALIPTIC, SYRPIN, puis DIGITAL AQUITAINE et PAYS BASQUE DIGITAL. Cela nous a permis de travailler en collaboration dès le départ. Après nos séminaires de Toulouse, Marseille, Lille, Limoges, et puis surtout depuis la demi-finale de l’Euro 2016 sur le Port de la Rochelle, la relation de confiance était instaurée.
Là où pas mal de clusters ont dû fusionner, nous avons su organiser une représentation régionale en Nouvelle-Aquitaine, avec le concours de la Région. Nous avons défendu ce maillage territorial afin que chaque entreprise puisse disposer d’une offre d’animation dispensée par son cluster de proximité, tout en rendant accessibles les actions de nos homologues à nos adhérents. Ainsi, qu’une entreprise du numérique soit à Pau, Limoges ou Niort, elle trouvera un niveau de service équivalent auprès de son cluster régional. Ensuite, en fonction de la stratégie du réseau, des opportunités et/ou des marqueurs économiques du territoire, chaque cluster met en œuvre des actions collectives. Sur ces actions collectives, nous testons également différentes modalités pour permettre aux entreprises de nos clusters partenaires de pouvoir en bénéficier.
À titre d’exemple, sous l’impulsion du Cluster Limousin Aliptic, nous avons travaillé à déployer un programme d’accompagnement à la formation des salariés des entreprises de la filière, mené de façon analogue par l’ensemble des clusters numérique. Et nous travaillions depuis quelques semaines à la mise en place d’actions, aux bénéfices de nos adhérents, pour les accompagner sur les enjeux que représentent pour eux et pour leurs clients, la Sobriété Numérique.
Le cluster est un système complexe. Il repose sur des modèles particuliers : de gouvernance, de financement, de modèle économique, de gestion de projet… Il n’est ni une entreprise, ni une agence de développement ; mais bien un outil de développement économique au service des entreprises et des territoires. Il est soutenu par les pouvoirs publics au sein de plusieurs institutions, et se doit de développer des partenariats privés. Les règles de financement nécessitent un équilibre privé/public, sans pour autant concurrencer l’activité du privé et sans perdre de vue son objectif premier : apporter des réponses aux besoins des entreprises par le biais du collectif… Sacré équation non ?!
Une des garanties de réussite, est selon moi la collaboration entre clusters.
C’est à son titre qu’avec Raphaël NIETO, Directeur d’Aliptic, nous avons décidé de nous présenter à la co-Présidence de France IT en mars 2020.
Nous souhaitons que ces échanges entre clusters se développent et servent à l’ensemble des équipes (salariés comme administrateurs). Mais aussi que ce réseau national nous permette de jouer l’effet amplificateur des démarches de Sobriété Numérique que nous sommes plusieurs à mener en France.
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