IFCS du CHU de Poitiers

Marlène, pouvez-vous nous parler de l’IFCS du CHU de Poitiers ?

« L’IFCS est l’un des 9 instituts de formation paramédicaux du CHU de Poitiers. Il est dirigé par Jannick Grand, Directeur des soins, coordonnateur Général des Instituts de formation paramédicaux du CHU de Poitiers.

L’IFCS de Poitiers est l’un des 28 IFCS ouverts en France, l’un des 4 en Nouvelle-Aquitaine. Il accueille des professionnels de santé paramédicaux titulaires d’un niveau Bac + 3 minimum (infirmier, masseur-kinésithérapeute, manipulateur en électroradiologie médicale, ergothérapeute, …), ayant minimum 4 ans d’exercice professionnel, admis au concours d’entrée pour intégrer l’institut, et souhaitant s’orienter vers des fonctions managériales ou pédagogiques et exercer le métier de cadre de santé.

Exercer le métier de cadre de santé c’est en résumé être en responsabilité managériale au sein d’un établissement de santé, sanitaire ou médico-social, ou en responsabilité pédagogique en qualité de formateur au sein d’un institut de formation paramédical.

Depuis septembre 2020, l’IFCS de Poitiers déploie son projet pédagogique qu’il a revisité et actualisé au regard des enjeux multiples qui percutent aujourd’hui les métiers du management et de la formation dans le secteur de la santé. »

Quels sont les axes du projet pédagogique à l’IFCS ?

1. « Former des professionnels reconnus sur le plan règlementaire et pour leurs compétences : des professionnels Responsables, Autonomes, Réflexifs, Agiles, Acteurs dans la résolution des problèmes, Munis de compétences digitales
2. Qui maîtrisent leur métier d’origine 
3. Qui soient capables de Manager et Former au terme de leur formation dans le domaine de la santé qui est un secteur exigeant, complexe, contraint, incertain et en transformation profonde ».

Les enjeux pour y parvenir ?

« Nos apprenants sont préparés pendant leur 10 mois de formation aux épreuves conduisant à l’obtention de trois diplômes :

• Le Diplôme Cadre de Santé, délivré par la DRDJSCS de Nouvelle-Aquitaine (Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale),
• Le Master 2 gestion des établissements sanitaires et médico-sociaux du Conservatoire National des Arts et des Métiers (CNAM),
• Le DU Débriefing de simulation en santé proposé par ABS Lab de la faculté de médecine et de pharmacie de l’Université de Poitiers.

Par ailleurs, nous travaillons maintenant avec la COMUE Léonard de Vinci qui regroupe les Universités de Poitiers et Limoges et plus particulièrement avec son réseau BOAT sur un dispositif de valorisation des soft skills des futurs cadres de santé par le biais de badges numériques.

Enfin, avec le SPN, nous ouvrons nos apprenants à la culture de la EdTech et de l’innovation dans la formation en santé, au travers d’initiatives telles que la co-organisation de Webconférences gratuites dont certaines sont ouvertes au grand public ».

Comment avez-vous connu « N’oublie Jamais » ?

« C’est dans ce contexte d’évolution que nous avons démarré notre collaboration avec la Start-up N’oublie Jamais depuis plusieurs mois. Tout a commencé le 13 février 2020 lors d’une journée organisée par le réseau BOAT. Pierre Guilhem et Fernanda Guilhem Borja animaient un stand pour valoriser leur plateforme digitale N’oublie Jamais, plateforme de soutien à l’apprentissage pour les étudiants en santé.

Immédiatement, nous nous sommes aperçus que nous avions un enjeu en commun : aider les étudiants en santé à apprendre. Le fait que Fernanda et Pierre aient préparé la PACES, que Pierre soit devenu masseur-kinésithérapeute, et que Fernanda soit ingénieure numérique a tout de suite retenu mon attention. En effet, comme avec Monsieur GRAND nous souhaitions aller plus loin dans notre projet de digitalisation de la formation IFCS, que nous avions déjà engagé depuis notre arrivée à l’IFCS, et qu’ils aient osé entreprendre, nous a encouragé à travailler avec eux.

Comment aider deux jeunes start-upers à toucher leurs cibles tout en permettant d’améliorer notre offre de formation au sein de l’IFCS ? Comment nous, en tant qu’acteurs publics, nous pouvions les aider ? Nous savions que nous avions quelque chose à faire ensemble mais nous ne savions pas encore vraiment quoi, ni comment.

Avec le premier confinement, le besoin d’accélérer notre processus de digitalisation au sein de l’IFCS s’est accru. Nous avons pris le temps d’échanger plusieurs fois avec Pierre et Fernanda. En mai/juin, dès que cela a été possible, ils ont rencontré Monsieur GRAND qui s’est montré intéressé par la solution digitale, mais qui a demandé : « mais au fond, sur quelles preuves repose votre solution ? ».

Pouvez-vous nous décrire l’implémentation de cette solution dans le cadre de votre parcours pédagogique, et l’apport que cela a eu pour vos apprenants ?

« Cette question de Monsieur GRAND nous a tout de suite amené à structurer plusieurs axes de travail que nous avons articulés dans le cadre d’une expérimentation pédagogique. Les objectifs sont les suivants :

• Formaliser par la start-up une offre de formation digitalisée « Former avec les Sciences Cognitives » destinée à former des futurs formateurs (pour le 09 septembre 2020)
• Proposer cette formation aux apprenants IFCS et observer de quelle manière cette offre de formation allait être perçue (contenu, forme, rythme de formation, progression) par nos futurs cadres de santé, futurs formateurs potentiels (septembre-décembre 2020)
• Faire découvrir à nos apprenants les différents outils de soutien à l’apprentissage déjà proposés par la start-up (octobre 2020)
• Observer dans quelle mesure nos apprenants allaient se saisir des outils de soutien à l’apprentissage conçus par la start-up (octobre 2020 – juin 2021)
• Faire émerger ce que les apprenants ont retenu de cette formation (novembre 2020-juin 2021)
• Faire travailler les apprenants IFCS auprès d’un public réel de 12 étudiants futurs manipulateurs en électroradiologie médicale (niveau Licence 1 et Licence 2), volontaires pour apprendre à apprendre. (novembre 2020 – juin 2021)
• Observer les effets de cet accompagnement notamment chez les 12 étudiants volontaires (décembre 2020- juin 2021)
• Identifier les retombées de ce travail (juin 2021) : au sein de l’IFCS en vue de modifier nos pratiques pédagogiques pour septembre 2021 / Transférer les résultats au bénéfice d’autres formations en santé dont Monsieur GRAND a la responsabilité et conduire de nouvelles expérimentations

Pour assurer la solidité de notre démarche, nous avons choisi de faire superviser notre programme par Estelle Durand-Girardin, Docteure en sociologie (société ARTEFACTS) et par Philippe PEAUD, professeur à l’INSPE à l’université de Poitiers, rompus aux questions de la complexité et en sciences de l’éducation.

Notre expérimentation restant en cours, nous ne sommes pas encore en mesure de partager avec vous les résultats. Toutefois, nous observons des signes qui montrent que les apprenants IFCS et IFMEM sont totalement parties prenantes du projet.

Au-delà des critères d’évaluation prévus, nous avons observé déjà de réels bénéfices en termes d’acculturation réciproque entre les professionnels de santé qui participent au projet et nos deux start-upers : s’écouter, comprendre les codes, apprendre à se comprendre, s’ajuster, apprendre à collaborer ensemble, accepter l’incertitude, … autant de soft skills primordiales dans le contexte d’aujourd’hui. Sur le plan humain, c’est un succès.

Sur le plan pratique, c’est également déjà un succès. Cette expérimentation permet de rapprocher de manière pertinente et dans une logique gagnant-gagnant le secteur de la formation paramédicale avec celui de la EdTech. »

Quel regard porte aujourd’hui l’IFCS sur les partenariats avec des start-ups de l’edtech au regard de ce premier test avec N’oublie Jamais ?

« Un regard bienveillant, curieux, tourné vers l’avenir avec l’envie de densifier notre collaboration avec N’oublie Jamais et de diversifier nos collaborations avec d’autres start-ups de la EdTech.

Pour l’instant, nous nous investissons pleinement avec N’oublie Jamais et le périmètre de notre collaboration est sans cesse requestionné. En effet, ensemble, nous collaborons par ailleurs dans le cadre d‘un projet de recherche qui a été présenté par le CHU de Poitiers avec la collaboration remarquable d’Estelle Durand-Girardin de la société ARTEFACTS. Ce projet a été retenu cet été par le Ministère du travail via la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques). Notre projet de recherche est intitulé : Compréhension et analyse critique des conditions et mesures d’adaptation des acteurs de la formation paramédicale au cœur de la pandémie – Quels enseignements ?

Nous voyons bien que notre collaboration avec N’oublie Jamais est porteuse car elle s’ancre aussi sur un réseau plus large d’acteurs pluridisciplinaires impliqués dans le territoire néo aquitain. Ce travail de collaboration élargi incluant des acteurs clés tels que le SPN, la COMUE, l’université de Poitiers, ARTEFACTS et d’autres acteurs de nos réseaux réciproques est réellement créateur de valeur.

Enfin, nous sommes bien entendu sensibles à l’appel à manifestation d’intérêt lancé depuis quelques jours par la Région Nouvelle-Aquitaine visant à expérimenter le numérique dans l’éducation, car c’est précisément ce que nous faisons déjà avec la start-up N’oublie Jamais.

Concrètement, il nous reste à clarifier de quelle manière nous pourrions faire entrer notre travail dans cet AMI et collaborer activement avec le EDLAB porté par le SPN. »

N’oublie jamais

Pouvez-vous nous décrire ce qu’est N’oublie Jamais en quelques mots ? 

N’oublie Jamais est né lors d’un défi : réussir le concours de médecine. C’est là que nous avons découvert des méthodes pour assimiler plus vite une grande quantité de connaissances, et pour plus longtemps. Nous avons également découvert que pour fonctionner, ces méthodes doivent être fondées sur la connaissance et la compréhension scientifique du fonctionnement du cerveau, ce qu’on appelle la psychologie cognitive. A partir de là, nous avons créé une application pour organiser son apprentissage, « Réviser avec N’oublie Jamais » qui compte aujourd’hui plus de 20 000 inscrits.

Quel a été l’apport de Start Innov’ Studio pour votre projet ? 

Start Innov’ Studio nous a proposé une confrontation avec d’autres startups EdTech, ainsi qu’avec des consultants experts. Il en est ressorti une vraie dynamique de groupe très porteuse pour chacun d’entre nous, avec de vraies amitiés. Nous relevons des défis similaires et ça nous rapproche.

Start’Innov Studio a su gérer le virage du confinement avec un accompagnement au top. Nous en avons profité pour une campagne de prospection intense qui nous a révélé un nouveau besoin du marché : la formation des équipes pédagogiques aux sciences cognitives de l’apprentissage. Cette formation est peu à peu devenue notre priorité car elle intervient logiquement en amont de notre offre applicative.

Nous avons passé plus de 6 mois de production à l’écrire et à la monter avec Alice Latimier, Docteure en psychologie cognitive, qui a réalisé sa thèse sur le sujet (“Optimisation de l’apprentissage par récupération en mémoire pour la rétention à long terme de nouvelles connaissances” sous la direction de Franck Ramus & Roberto Casati).

Grâce à l’aiguillage de Start Innov’ Studio nous développons aussi un réseau clé dans l’écosystème de Poitiers, la capitale de l’éducation. Celui-ci nous a ouvert les portes de notre terrain d’expérimentation actuel, l’IFCS du CHU de Poitiers, pour notre nouvelle offre, notre formation « Former avec les Sciences Cognitives ».

En quoi le partenariat avec l’IFCS vous a permis de tester une nouvelle offre ?

Nous avons rencontré Marlène Arbutina, responsable pédagogique de l’IFCS du CHU de Poitiers lors de la journée sur les Open Badge organisée par le réseau BOAT. Intéressée par notre travail, elle s’est engagée dans une véritable démarche d’expérimentation et nous aide énormément. Après nous avoir guidé dans la formulation d’une offre répondant aux besoins du directeur, Monsieur Jannick Grand, Marlène s’est engagée dans la création d’un programme pilote de démonstration de notre expertise.

Depuis, nous co-construisons un dispositif de formation innovant unique en France autour de notre formation « Former avec les Sciences Cognitives ». Celui-ci comporte un versant théorique et un versant de mise en pratique inter-étudiant et inter-établissement. Il s’agit d’un véritable programme de coopération pour favoriser la réussite de tous les étudiants.

Nous inscrivons notre démarche dans une recherche-action en recueillant des données observationnelles. Tout ceci est rendu possible grâce à l’accompagnement de Start Innov’ Studio et à l’intelligente ingénierie pédagogique de Marlène Arbutina. Nous comptons poursuivre ces deux partenariats clés à travers des projets de plus en plus ambitieux.

Un grand merci à Marlène Arbutina, Pierre Guilhem et Fernanda Guilhem Borja pour avoir répondu à nos questions.

➡️ Propos recueillis par Fabien Audat.